Quatre semaines de travail, et encore trois années pour découvrir la richesse des projets et les compétences de mes collègues ! Il y a encore bien à faire pour donner aux Nicaraguayens (Nicas, pour plus de commodité) la confiance en eux-mêmes. Pour eux, tout ce qui est autochtone est forcément moins bon que ce qui vient des pays du nord ! Lorsqu’on me demande au Club Infantil comment on fait ceci ou cela, je m’empresse de leur demander comment ils ont réussi le faire jusqu’ici, quelles compétences ils ont développées pour créer et tenir tous leurs projets. Même ici, ce n’est pas évident pour eux d’admettre leurs propres capacités.
Me voici donc plongé dans un monde perturbé par une hiérarchie des peuples, faussée par un siècle d’ambivalence entre lutte contre l’impérialisme et dépendance face aux pays industrialisés. Je reste affectueusement le Chino (chinois) pour les Nicas, mais je n’en suis pas moins le porteur d’un savoir européen, donc meilleur que le leur selon eux. Ma grande difficulté sera de remettre les compétences respectives à leur juste place et non en fonction d’une origine quelconque. Il est vrai aussi que mon statut dans la hiérarchie du Club n’est pas très compréhensible pour les Nicas, très soucieux justement de la respecter. Ma fonction d’observateur pour ces quelques mois me place près de mes collègues, mais les rapports entretenus avec les coordinateurs du Club m’en éloigne. Pas de quoi devenir schizophrène, mais ceci m’oblige constamment à expliquer ma profession et les objectifs de mon engagement ici.
Je suis pour ma part très impressionné par le dynamisme de mes collègues du Club. Je les sens tous porteurs du développement de l’association, certains mêmes sont d’anciens gosses travailleurs sortis de leur situation avec l’appui du Club. Qui d’autres qu’eux peuvent prétendre connaître le milieu dans lequel nous intervenons ? Bien sûr, il y aura des choses à faire, sinon rien ne justifierait ma présence ici. Mais je ne suis clairement pas un éducateur de rue et, même si je l’étais en Suisse, les conditions sociales, culturelles et économiques m’obligeraient à admettre, dans un premier temps du moins, mon manque de compétences sur ce terrain.
Il est difficile de parler des conditions de travail du Club Infantil. Le personnel éducatif est bien moins payé que dans une autre association ou qu’à Managua par exemple. Mais par rapport à d’autres professions, les conditions sont agréables : 5 jours de travail de 8h00 à 17h00 ou 18h00, 4 semaines de vacances, et d’autres facilités propres à une entreprise axée sur le bien-être de ses employés. Ce n’est pas par manque de volonté, mais les ressources du Club ne permettent pas de payer plus. Le gros problème, c’est que lorsqu’un collaborateur a terminé ses études, il part, souvent à contre cœur, chercher du travail ailleurs. Nécessité oblige ! Et c’est chaque fois une expérience inestimable qui s’en va avec lui.
Pour ma part, je n’ai vraiment pas de quoi me plaindre, horaire plus que suisse ! 8h00-12h00, avec la possibilité d’aller chercher Viviane à l’école, puis 13h30-16h30, voire 17h00. La coordinatrice générale du Club me permet même de faire du travail à domicile. Ceci dit, je préfère aller au club pour travailler, histoire de ne pas me couper de mes collègues. Et, comme je suis dans la phase d’observation, je suis les horaires des éducateurs des secteurs que je visite. Donc, j’observe, je crée des liens avec mes collègues, je prends des notes et pose des questions. D’ici deux ou trois mois, je pourrai commencer la rédaction de mes premières observations.