Corine, Olivier, Viviane, Thalia, Noé et Malika
coopérants au Nicaragua avec E-Changer

27 avril 2011

Sergio

Voici l'autobiographie de Sergio, partenaire de travail d'Olivier, telle qu'il l'a écrite lors d'un atelier sur l'identité. La traduction  française suit le texte espagnol:

Soy Sergio Catarino Castilblanco Hernández, Nací el 4 de julio del año 1986, cuando en Nicaragua estaba en plena la guerra civil, el departamento de Jinotega es la cuna que me vio nacer.
Como en la mayoría de las familias de este país, mi progenitor masculino abandono a mi madre cuando quedo embarazada y fui cuidado nada mas por ella, quien es hasta la actualidad es maestra.
Durante mi infancia era costumbre durante las vacaciones escolares irnos a pasar al campo donde una tía y como es de esperarse tenia que colaborar en los trabajos agrícolas como limpiar cultivos, cosecharlos y cargarlos…
Durante el tiempo de clase solo ayudaba a una vecina a hacer mandados e ir a moler maíz para tortillas
Cuando cumplí 10 años, me tocaba ayudar al compañero de vida de mi mama en el mercado, el era comprador de granos básicos como: frijoles, maíz y café; era duro ya que me tocaba cargar quintales de la parada de buses al tramo donde trabajamos.
Todas mis vecinas y vecinos que eran trabajadores (vendían tortillas o lustraban) asistieron al Club Infantil ellos me contaban lo que hacían y yo me emocionaba para ir; pero mi mamá no me dejaba, ella consideraba que lo que yo hacia no era trabajo infantil…
En el 2004 y 2005 tuve la oportunidad de viajar con el grupo de danza y de comunicación, el primer viaje fuimos a Niquinhomo y el otro a Managua a una actividad con TDH-Alemania. Yo ya era maestro en el INACS.
Ya en el 2009, escuchando Radio Estereo Libre me di cuenta que necesitaban a alguien para atender a niñas y niños en Reforzamiento escolar, presente mi entrevista con doña Lydia Palacios, coordinadora ejecutiva…y a los 2 días me llamaron que había sido elegido entre a trabajar y en algo que me encantaba…A los 2 meses me propusieron asumir otra responsabilidad y acepte… actualmente soy responsable de seguimiento a proyecto, especialmente a proyecto “ el derecho de las niñas, niños y adolescentes trabajadores a la educación en Nicaragua).
Me siento bien trabajando en una empresa que se preocupa por las personas…
Bueno y además soy el padre de un precioso bebé que nacío en Julio del 2009 y se llama Cristofer Catarino…

Je suis Sergio Catarino Castilblanco Hernandez, je suis né le 4 juillet 1986 lorsque le Nicaragua était en pleine guerre civile. Le département de Jinotega est le berceau de mon enfance.
Comme la majorité des familles de ce pays, mon père a abandonné ma mère lorsqu’elle s’est trouvée enceinte et je n’ai reçu que les soins de ma mère, qui est aujourd’hui enseignante.
Durant mon enfance, nous allions, durant les vacances scolaires, à la campagne chez une tante. Comme on pouvait s’y attendre, nous étions engagés aux travaux agricoles tels que désherber, cueillir et transporter…
Durant la période scolaire, j’allais seulement aider une voisine à faire des courses et à moudre du maïs pour les tortillas.
Lorsque j’ai eu 10 ans, j’ai du aider le compagnon de ma maman au marché. Il était acheteur de grains, comme les frijoles, le maïs et le café. C’était dur, surtout que je devais transporter des quintaux de l’arrêt de bus à l’endroit où nous travaillions.
Toutes mes voisines et tous mes voisins qui étaient travailleurs (vendaient des tortillas ou ciraient des chaussures) participaient aux activités du Club Infantil. Ils me racontaient tout ce qu’ils faisaient et moi je m’enthousiasmais pour y aller. Mais ma maman ne me le permettait pas, elle considérait que ce que je faisait n’était pas du travail infantile…
En 2004 et 2005, j’ai eu l’opportunité de voyager avec le groupe de danse et de communication. Le premier voyage m’a amené à Niquihomo et l’autre à Managua pour une activité de Terre Des Hommes-Allemagne. J’étais déjà enseignant à l’INACS.
C’est en 2009, en écoutant la Radio Estereo Libre, que je me suis aperçu qu’on avait besoin de quelqu’un pour l’accueil des filles et des garçons en renforcement scolaire. J’ai eu un entretien avec Madame Lydia Palacios, la directrice… 2 jours plus tard ils m’ont annoncé que ma candidature, pour ce travail qui m’enchantait, avait été retenue.
Lorsque j’ai eu accompli 2 mois, on m’a proposé une autre responsabilité que j’ai accepté… Actuellement je suis responsable du suivi des projets, spécialement du projet « le droit à l’éducation des enfants et adolescents travailleurs au Nicaragua ».
Ça me plait de travailler pour une organisation qui se préoccupe des personnes…
Voila et en plus, je suis le père d’un adorable bébé né en juillet 2009 et qui se prénomme Cristofer Catarino…

(C) La Semana Santa sans tortillas

Tortillas
Partout à Jinotega, dès 4 heures du matin (2 heures à la campagne), résonne le bruit caractéristique des femmes palmando (formant avec la paume) les traditionnelles tortillas. Composées de farine de maïs et  d'un  peu d’eau, aplaties à la main puis cuites sur le feu, elles constituent la base de la cuisine nicaraguayenne. Indispensables, elles permettent la fabrication des enchiladas, des quesillos et autres tacos et elles accompagnent le gallo pinto (riz et frijoles), les soupes et toute la nourriture de la journée. D’une saveur assez fade, elles peuvent être consommées juste avec de la crème acide et de la cuajada (fromage frais), et remplacent le pain de nos tables.
Une femme palmando
La fabrication et la vente nourriture - et des tortillas en particulier - représente une part non négligeable du commerce informel au Nicaragua. Des quartier les plus huppés de Managua aux communautés les plus pauvres de la campagne, le doux tapotement des mains féminines précède l’aube et annonce le début de la journée.
Tamale pizque
Durant la Semana Santa, de nombreuses femmes ont trouvé un moyen d’alléger leurs journées toujours aussi chargées. Elles ne fabriquent plus de tortillas, mais des tamales pizques, sorte de pain simple fait à partir de maïs jeune et d’eau, non pas aplati, mais serré dans une feuille de bananier et bouilli. Le travail n’est pas plus facile ni plus court. Mais il peut se faire en une journée pour toute la semaine, le tamale pizque se conservant quelque jours, au contraire de la tortilla qui doit se consommer rapidement, et si possible encore chaude.


26 avril 2011

(C) Le Nicaragua nous va si bien [4]

Comme chaque année, les 7 jours précédant Pâques constituent la Semana Santa. Semaine sacrée s’il en est, pour toutes les religions confondues, puisque c’est LA semaine de pause, l’unique jour de fermeture annuelle du Pali (Migros locale) étant le vendredi de cette semaine-là. La Semana Santa, ce sont les processions partout dans le pays, les célébrations et la passion de Jésus jouée jusqu’à la crucifixion.

Nous avons quitté Jinotega le dimanche des rameaux, laissant le prédicateur évangéliste du mercado municipal animer notre rue toutes les soirées de la semaine jusqu’à plus de voix, amplifiée par d’immenses hauts parleurs. Laissées également les processions catholiques des divers saints qui, après avoir rythmé tous les vendredis du carême, allaient s’intensifiant durant la Semana Santa.

Nous sommes donc partis pour Ometepe, sur un plébiscite des enfants, retrouver les volcans Concepción et Maderas, les Insulaires tranquilles, le Lac Nicaragua et ses vagues sous un vent qui a rendu bien agréable la chaleur ambiante. Nos quatre P’tits Loups - et les grands aussi - ont profité de l’eau, de la plage de sable et du farniente général.

Et c’est là qu’on a assisté à une représentation de l’arrestation, du procès de Jésus et du chemin de croix, organisés par une communauté villageoise. Les costumes, les accessoires étaient faits de bric et de broc, avec ce qu’ils avaient trouvé, faisant montre d’une créativité à la hauteur de leur conviction. Noé a particulièrement été impressionné par les romains invectivant et frappant Jésus, avec un réalisme qui a du laisser quelques bleus.

En rentrant, ce sont les tambours de l’INACS que nous avons retrouvés et qui nous accompagneront désormais tous les soirs, à l’heure du souper, jusqu’au 14 septembre, jour de la fête nationale et grand défilé annuel.

15 avril 2011

(O) Victime ou VICTIME ?

Y-a-t-il réellement plus d’abuseurs au Nicaragua qu’en Suisse? Possible. Y-a-t-il réellement une plus grande indifférence au Nicaragua qu’en Suisse ? Possible aussi, on ne le saura jamais vraiment, le secret étant bien gardé... Ce qui est certain, c’est qu’à Jinotega, l’Association Infantil Tuktan Sirpi, connue comme Le Club Infantil, a fait de ce sujet l’un de ses principaux chevaux de bataille. Dans un pays en grande partie inféodé à la morale religieuse, où parler sexe - même d’abus sur les enfants - reste un tabou, on se demande ce qui a fait que le Club n’hésite pas à braver les interdits sociaux-moralisateurs locaux et ce avec hélas de trop peu nombreux succès.
L’histoire de cette lutte commence en 2001, lorsque la nièce âgée de neuf ans de la coordinatrice du Club est victime de viol. L’auteur de cet acte n’est autre que le propre père de la fillette. Hélas pour cette dernière, même si l’influence familiale est forte du côté de sa mère, celle de son père l’est encore plus. Malgré les évidences, le père est déclaré non coupable – on n’est pas procureur de la ville pour rien – et la fillette et la maman se voient obligées de s’exiler aux Etats-Unis. Pour éviter que pareille situation ne se reproduise, le Club Infantil, avec la volonté farouche de sa coordinatrice, a mis en place toute une structure psycho-juridique d’accompagnement aux victimes d’abus sexuels et de viols.
Et les résultats, du moins psychologiques. sont bons. De nombreuses victimes sont reconnues comme telles, mêmes si la procédure judiciaire ne leur donne pas raison. Doña Armida, la psychologue du Club, consacre tout son temps à accompagner ces victimes, coordonnant ses efforts avec ceux de Beto, l’avocat du Club, lequel ne ménage pas les siens à défendre les droits des victimes. Il ne se passe pas un seul jour sans que la Radio du Club ne diffuse ses spots de sensibilisation. Suivis psychologiques, défense judiciaire, campagnes de sensibilisation et de prévention (cours de self-défense pour les filles par exemple), étude « bio-psycho-sociale » (entourage familial et vicinal des victimes), sont autant de ressources que le Club met gratuitement à la disposition des habitants du département. Si on n’a pas encore gagné la bataille judiciaire, on peut dire que la sensibilisation fait son effet : les victimes ne sont plus obligées de fuir et la société de Jinotega commence à vraiment considérer les abus sexuels et les viols comme de vrais délits.
En soit, les autorités judiciaires tiennent compte des drames liés aux violences et aux abus, mais malheureusement, elles font face à de nombreuses difficultés, dont la principale n’est autre que le manque de moyen pour faire appliquer les lois. De plus, la majorité des victimes étant de milieux économiquement faibles, il est assez facile pour le suspect de demander l’appui d’un avocat membre du même cercle social ou de la même église, juste le temps de convaincre la victime qu’une procédure peut être longue et chère… d’où l’abandon fréquent des plaintes et donc des poursuites.
Sept ans avant la Suisse, le Nicaragua a signé la Convention Internationale des droits de l’Enfant et de l’Adolescent, et le pays s’est doté d’une Loi visant à faire respecter leurs droits. Si force m’est de reconnaître la qualité de ce Code national de l’Enfance et de l’Adolescence, et aussi de reconnaître la bonne volonté de ceux qui souhaitent l’appliquer, je constate qu’entre la bonne volonté et la mise en œuvre, il y a, comme en bien d’autres endroits sur terre, de nombreux obstacles.
Faible budget pour les forces de l’ordre, souvent ressources financières plus importantes du côté des suspects, voire, comme je le dis plus haut, appui de la part d’un avocat membre de la même société ou de la même église et, pour en terminer avec cette liste non exhaustive, il y a le magistrat sous-payé souhaitant arrondir ses fins de mois, une somme de choses qui font qu’à chaque situation se met en place toute une stratégie de priorisation de la procédure. Bref, de quoi rebuter une famille à faibles revenus, même si les prestations du Club Infantil sont gratuites.
Les plaintes venant de familles aisées comme ce fut le cas cité plus haut sont rares. Ces familles ne souhaitent pas voir leurs images entachées par des scandales de ce types et, trop souvent, résolvent la « crise » à coups d’accords économiques sans autre considération pour la victime. Mon objectif ici n’est pas de stigmatiser le Nicaragua, de telles choses j’en suis sûr sont fréquentes en Suisse aussi. Au contraire, je tiens à saluer ici l’effort constant de toute une partie de la population à lutter pour ses droits que, faute de moyens (ou de volonté ?), le gouvernement ne peut garantir.
Quelques batailles sont gagnées de-ci et de-là, mais la victoire semble encore bien loin. Faut-il cyniquement souhaiter la victimisation de quelques familles aisées ou étrangères peu enclines à baisser les bras, pour que chaque lutte se transforme en réelle victoire, puisqu’ici du moins, on respecte encore les étrangers (…) ?