Corine, Olivier, Viviane, Thalia, Noé et Malika
coopérants au Nicaragua avec E-Changer

24 mai 2011

(O) Le Nicaragua nous va si bien [6]

Chez moi, il y a les incontournables de la vie quotidienne, bon, je ne vais pas revenir sur les toilettes, elles vont bien, malgré une petite fuite ou deux qui nous obligent à ouvrir et fermer la vanne à chaque utilisation. Mais bon, tel n’est pas l’objet de mon propos, je n’ai pas pour habitude d’exposer mes soucis domestiques. Je vais parler des taxis. J’entends d’ici les soupirs exaspérés…
Pourquoi parler une énième fois de cette démonstration de luxe, incompatible avec mon statut de coopérant. Bon, les prix n’ayant pas augmenté le premier décembre, la coopérative de taxi de Jinotega étant depuis longtemps affranchie de la communauté tarifaire des CFF, il se trouve que le trajet vaut toujours quelques 45 centimes suisses.
Luxe, paresse ? Que non ! Mes périples en taxis collectifs (j’ai réduit la cadence à deux ou trois voyages hebdomadaires) sont pour moi autant de  minutes d’études sociopolitiques de la vie jinotegana et d’échanges interculturels. Depuis maintenant une année et quatre mois que je vis ici et que je déplace régulièrement ma personne dans les taxis plus ou moins brinquebalants, je crois être considéré comme un fidèle passager.
Fidèle passager ? Autre manifestation de luxe ? Encore une fois, ne tirons pas de conclusions trop hâtives. Ce statut me donne effectivement le droit d’être inclus dans les conversations et d’être interpelé sur mon appartenance politique que j’esquive diplomatiquement par un : " Je suis Suisse ! "
Cette mise en touche de la question, loin de satisfaire le chauffeur et mes co-passagers (je rappelle pour ceux qui n’ont pas bien lu notre blog, que les taxis sont collectifs), ouvre les champs d’un interrogatoire plus serré encore. Et j’entends fuser les questions : « vous êtes chinois, japonais, coréen ? ». En général, les questions géographiques s’arrêtent là, l’Asie se limitant au géant socialiste, à Toyota, Hyundai et Kia. Immanquablement je réponds par le désormais célèbre  « je suis Suisse ». J’attends ensuite la question suivante qui ne saurait tarder. Une fois mon co-passager de droite descendu, le nouveau monte et notre chauffeur lui fait un rapide résumé de notre conversation, entaché d’erreurs que je me garde bien de corriger si je tiens à entendre la question suivante.
Je sens l’impatience de mes lecteurs de connaître la fameuse question, pour l’avoir si souvent entendue, j’en oublie à quel point j’ai pu titiller la curiosité. Cette fameuse question,- après que le chauffeur a clairement expliqué à notre nouvel interlocuteur que je suis Chinois mais que je ne suis pas de Chine mais de Corée et que je ne parle pas japonais et que je suis Suisse,- jaillit de toutes les bouches présentes, moins la mienne bien sûr : « Alors vous parlez le suisse ? ».
Il me reste heureusement 500 mètres de parcours pour l’incompréhensible réponse : «  En Suisse on ne parle pas le suisse, on parle 3 langues officielles ». Que les Grisons rhéto-romanches me pardonnent l’omission de leur idiome, 500 mètres, c’est un peu court pour tenter d’expliquer la situation linguistique helvétique, si en plus je dois expliquer que …, bref, on m’aura compris.
En général donc, je parviens à parcourir cette ultime distance et à sortir de mon taxi, laissant mes compagnons à leurs réflexions, mais tout dépend du nombre de compte-rendu effectués par mon chauffeur et surtout du début de l’interrogatoire. Il arrive donc que, peu satisfait de ma dernière réponse, on me demande une fois de plus, et ce malgré mes explications claires et concises : « Ah, comme ça vous parlez plusieurs langues, mais comment dites-vous bonjour en langue suisse ? ». C’est à ce moment-là, que loin de m’exaspérer, afin de susciter l’éveil à la culture générale, je parle enfin des 60'000 rhéto-romanches et du patois évolènard. Personne n’y comprend rien, c’est pas grave, du moment qu’il me reste encore deux ans d’explications à donner sur mes origines, que je leur parle des divers Switzerdütch et du patois gruyérien. Tout est déjà tellement clair que je trouverai dommage que trop de précisions me fasse manquer mon « Dale pue, Chino ! ».

21 mai 2011

(C) Noé a fêté son anniversaire

Noé a 5 ans. Ils  étaient moins nombreux que pour la  fête précédente (he, on ne se laisse pas prendre 2 fois), mais nettement plus vigoureux au moment de faire un sort à la Piñata! Très drôle!

19 mai 2011

(V) Poèmes de Viviane

Sur un morceau de papier
 
Sur un morceau de papier
Je dessine un escalier
Qui monte jusqu’à la lune
Etoile en or
Mais aucune en argent
Mais je sais
Qu’il ne sera pas assez grand
Mais je voulais
Monter à la lune
Pour la couvrir de couleurs


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Lapin de Neige

Lapin de Neige
Que tout le monde aime
Et les caresses
Que tu donnes en sautant sur nous
Tout le monde t’aime
Avec un pauvre enfant
Tu en fais un riche
Lapin de Neige
Lapin de Neige
Que tout le monde aime
Une méchante vache
Tu en fais une gentille
Lapin de Neige
Lapin de Neige
Que tout le monde aime
Lapin de Neige
Que tout le monde aime

18 mai 2011

(O) La justice... pour les femmes aussi

On ne verra plus Lourdes Itzayana au guichet de la Banpro, où elle travaillait. Sa vie a basculé le 3 mai 2011 en rentrant des festivités de la Cruz de Jinotega. Son compagnon lui a arraché le visage d’une balle tirée à bout portant. Homme riche et influent de Jinotega, il lui a offert 7000 dollars pour l’empêcher, elle et sa famille, de porter plainte. 
La mère de la victime ne l’a pas entendue de cette oreille, et a demandé l’appui du « Réseau des Femmes du Nord » (mouvement de défenses des droits de la femme), lequel, à son tour, a demandé le soutient du Club Infantil. Une marche de soutient à la victime et à sa famille a été rapidement mise sur pieds et c’est une centaine de personnes qui a défilé dans les rues de la ville.
De nombreuses personnes ont regardé passer le cortège. J’y ai vu de nombreux regards de compassion, mais aussi quelques sourires entendus. Et ces sourires moqueurs m’ont rendu triste, et furieux aussi contre la lâcheté des hommes qui préfèrent baisser la tête au passage du cortège plutôt que de dénoncer les violences faites aux femmes et aux enfants.
Je me désole toujours autant d’entendre les propos liés à ce genre de drame, si on ne culpabilise pas expressément la victime, on cherche toujours des explications aux gestes de l’homme. Peu importe pour moi qu’il s’agisse d’une vengeance, de l’alcool, de jalousie ou de je ne sais quoi, ce qui compte est la destruction d’une existence. Ce qui doit être condamné, c’est la violence envers autrui.
Je m’insurge également contre ces prêtres et ces pasteurs, étrangement silencieux lorsqu’on les interpelle au sujet du meurtre d’une femme, tout en proclamant haut et fort qu’il y a une justice humaine pour ce genre de choses, mais vilipendant et condamnant l’infidélité féminine, tout en psalmodiant l’amour de Dieu et sermonnant sur le « tu ne tueras point ». Bon, une femme n’a jamais été autrui, peut-être un peu plus qu’un animal, et Dieu n’a jamais condamné un chasseur. Un jour, il me faudra étudier le code pénal divin…
Mon cœur est toutefois transpercé par les cris de la maman de cette victime, réclamant justice pour sa fille, réclamant une égalité de droit, hurlant sa détresse pour qu’au moins la justice humaine reconnaisse à Lourdes et à sa famille le droit d’être victime et d’être entendue. J’ai assisté avec les participants de la marche et avec les passants, malgré l’absence de compassion de certains, une écoute respectueuse et empathique, pour la plupart, de la détresse de cette mère.
Une fois de plus, je me réjouis de travailler pour une organisation qui a fait sienne les droits de l’Humain et la défense des victimes. Une fois de plus, je vois  le sens de mon engagement auprès de mes compagnons. Une fois de plus, je suis fier que mon organisation partenaire ait permis aux plus démunis d’avoir enfin une voix et qu’ici on permettent à toutes les Lourdes Itsayana de Jinotega d’être toujours entendues…

16 mai 2011

Donald

Voici l'autobiographie de Donald, partenaire de travail de Corine, telle qu'il l'a écrite lors d'un atelier sur l'identité. La traduction  française suit le texte espagnol:

Cuando niño siempre quise ser entendido, quise ser escuchado y anhelaba un trato amable y cariñoso por parte de los adultos principalmente por mi padre, pues yo nací en una familia donde la figura que representaba el poder a lo interno. No nos brindo a mi y a mis hermanos eso que yo tanto anhelaba.
Y deseaba que mi reconocieron capacidades, aunque en el fondo por ser un niño no sabia o no sabia interpretar tal necesidad, no sabia como pedirla o exigirla. Ese tipo de trato dentro de mi hogar me fue convirtiendo en un adolescente con muy baja autoestima, sin embargo, al llegara mi juventud pensé que yo debía demostrar que tenia capacidad y que también podía exigir un mejor trato y me trace muchos retor, comprobando con el tiempo que mi situación mejoro que se yo hubiera tenido lo que mi faltaba como niño hubiera si do aun mejor. Hace 17 anos conocí la institución donde laboro y me di cuenta que fue haba por lo que siempre anhele y entonces decía ayudar. En primer lugar no como trabajador, sino desde mi posición como periodista, dueño de un medio de comunicación para promover lo que creí era lo mejor que me hubiera gustado. Sin querer me ofrecieron la oportunidad de trabajar directamente y no la desaproveche.
Aquí yo fui entendido que muchas cosas y me han convertido en un mejor hombre, en un mejor marido y desde luego en un mejor padre. Esto último es lo que mas preñado que he ganado. Esto hasta por encima del mismo salario.


Enfant, je voulais toujours être compris et entendu des adultes, mais surtout de mon père, qui représentait la figure du pouvoir dans la famille où je suis né. Cela ne nous a pas, à moi et mes frères et soeurs, apporté ce que nous souhaitions.
Je désirais qu’on reconnaisse mes capacités, même si un enfant ne sait pas ou ne sait pas  interpréter, une telle nécessité, je ne savais pas comment le demander, ni comment l’exiger. Ce type de traitement dans le foyer où j’ai grandi a  fait d e moi un adolescent avec une très faible estime de soi. Cependant, en entrant dans l’âge adulte, je pensais que je devais démontrer que j’avais des compétences et que je pouvais aussi exiger un meilleur traitement. Je me fixais  alors de nombreux objectifs, essayant avec le temps d’améliorer ma situation. Mais si j’avais reçu en tant qu’enfant ce qui m’a manqué, cela aurait été encore mieux.
A 17 ans, j’ai découvert l’institution [Tuktan  Sipri] où je travaille actuellement, et je me redis compte que c’était ce que j’avais  toujours désiré. Je décidais alors d’aider. D’abord en tant que professionnel, mais aussi de par ma position de journaliste, à la tête d’un moyen de communication qui  permet de promouvoir ce que je crois être le meilleur et qui me plait. Sans le savoir, ils [Tuktan Sirpi] m’offrirent la possibilité de travailler directement et je ne l’ai pas laissée passer.
Ici, j’ai compris que beaucoup de choses m’ont permis de devenir un homme meilleur, un  meilleur époux, et, depuis peu, un meilleur père. Et ceci plus que tout salaire.

15 mai 2011

(C) 32eme anniversaire de l'INACS

Du 13 au 18 mai, se déroulent les  festivités du 32eme anniversaire de l'INACS (Instituto Nacional Augusto C. Sandino), le centre scolaire de nos P'tits Loups. Carnaval, festival estudiantin, acto officiel, et autre exposition  sur le héros national nicaraguayen, c'est à nouveau une semaine de fêtes, de feux d'artifices et autres mets traditionnels à goûter.

(C) Hipico et algodon de azucar

Le 8 mai s’est clos la semaine de festivités del  Dia de la Cruz à Jinotega. De toute l’année, c’est la fête la plus populaire à Jinotega ville.
Peña la Cruz, c’est le symbole de  Jinotega. Différentes origines, suivant à qui on s’adresse, habitent le site. Selon certains, le conquistador espagnol Fray Margil Morel, de Santa Cruz, est monté sur cette colline qui surplombe la vallée à 1400 m. pour y planter une croix en introduisant le catholicisme et en faisant croire aux Indiens que la colline était appelée à croître en faisant se joindre le ciel et la terre. Depuis, différents grands  personnage s’y sont tenu pour officialiser telle ou telle décision importante pour la ville.
La  caravane  publicitaire
Reste aujourd’hui, que les festivités del Dia de la Cruz draine un monde fou, venant de  tout le département bien sûr, mais aussi des départements voisins et de Managua. Une semaine de concerts en soirée, de spectacles typiques, de l’incontournable marché et de son Luna Parc et sa grande roue. Le point d’orgue de la fête, c’est l’Hipico, ou le défilé des plus beaux chevaux du département. Impressionnant !
 
Comme d'habitude, aucun risque de mourir de faim ou de soif... Voici les algodon de azucar, ou, traduits littéralement, "coton de sucre". Autrement dit, l'équivalent de nos barbapapas. Roses, jaunes ou bleues, elle sont vendues dans des sachets plastic (comme toute nourriture ici) gonflés d'air, pour qu'elles ne s'aplatissent pas. Attachées ensuite à un grand "T" en  bois, le vendeur passe dans le public et distribue ses bulles d'air sucrées 2 pesos (10 centimes) la  pièce. Nous, on adore, et il  n'y pas besoin de faire la queue!

11 mai 2011

(C) Il est venu, il a vu, et il a vaincu… Peña la Cruz !

Nous vivons à Jinotega depuis quoi ?  15 mois environ ? Et jamais, nous n’étions montés à Peña la Cruz : surplombant la vallée, visible de partout, point de repère signifiant l’ouest, dans une région ou les adresses se conjuguent en points cardinaux, éclairée toutes les nuits, elle est le symbole de Jinotega. Alors quoi, qu’est ce qui nous en a empêché ? Se lever comme tous les jours à 5h30 du matin  pour éviter les grosses chaleurs ? La fatigue de la fin de semaine qui nous a cloués au fond de la vallée ? Ou une flemme qui nous a pris déjà les derniers mois (années ?) en Suisse et qui nous poursuit inexorablement ici ? Et ce n’est pas parce que les enfants ne l’on pas plébiscitée cette balade. Un peu de tout ça probablement.
Alors quand Bruno, responsable des projets au Nicaragua pour E-Changer, nous a proposé d’y aller, (après 4 jours dans la moiteur étouffante de Managua, à sauter d’un taxi à l’autre il avait besoin de bouger un peu), ça aurait été trop la honte de refuser. Et on y est allé ! Enfin, ils y sont allés, parce qu’ils sont partis pile à midi et demi, l’heure de la sieste de Malika (on n’allait quand même pas la priver de repos, cette petite…) Et puis il fallait bien quelqu’un qui se dévoue pour veiller sur son sommeil et préparer le repas pour le retour de ces vaillants marcheurs ! Alors bon, je m’y suis collée. Mais ce n’est pas parce que je n’avais pas envie d’y aller. Ah non ! Enfin…, bon d’accord. Mais pas seulement ! Alors, ils y sont montés. Et quand ils sont revenus, ils ont essayé de me rendre jalouse avec des histoires de vue imprenable, de fraîcheur agréable et de glissades rigolotes. Bon, je vous laisse juge avec les photos, mais je ne vois pas ce qu’ils lui ont trouvé à cette croix ! Mais alors, pas du tout.
Ne croyez pas non plus que Bruno soit venu jusqu’au Nicaragua juste pour faire un saut à Peña la Cruz. Non, non. Son passage fait – aussi - partie des trois semaines de visites où il aura bouclé le tour du Nicaragua, du Brésil (vous savez, ce petit pays qui fait au bas mot la moitié de l’Amérique Latine) et la Bolivie. Ici, (enfin, plutôt a Managua, mais ce serait trop long à expliquer pourquoi, pis d’abord, c’est pas très important) il a rencontré Lydia et Donald. Sergio était hospitalisé ce jour-là (il va bien, merci pour lui). Et quand il est arrivé à Jinotega… c’était le week end, et puis, il y avait le lundi 2 qui était férié pour remplacer le 1er mai qui tombait un dimanche, et enfin le mardi 3, incontournable Dia de la Cruz (encore elle), ferié plus que sacré pour tout Jinotegano et Jinotegana qui se respecte. Voilà, maintenant vous savez pourquoi on s’est vu a Managua ; enfin pas  tout-à-fait, mais je ne vais pas vous embêter avec nos histoires de déplacements stratégiques… Eh bien, malgré tout ça, les vaillants (oui, aussi) coopérants que nous sommes, se sont débrouillés pour lui faire visiter les locaux du Club central, du Club du mercado et de la oficinita du mercado, il a pu rencontrer une partie de l’équipe de la radio et assister en direct à l’émission hebdomadaire Hablando de la Niñez,  concoctée par les enfants communicateurs du Club. Pas mal pour un week end ! Sans compter la présentation de différents documents et autres anecdotes dont on n’a pas manqué de le gaver, histoire qu’il garde de notre travail ici, un souvenir un peu plus substantiel que la vue depuis Peña la Cruz.
Mais qu’est-ce qu’elle donc, cette croix. Faut vraiment que j’aille y faire un saut, un de  ces quatre. Mais bon, Malika fait toujours ses siestes, et, on ne sait jamais, elle peut très bien vouloir changer d’horaire, des fois que la motivation me prenne à 9h00 du matin. Les enfants sont tellement imprévisibles…

8 mai 2011

(O) Le Nicaragua nous va si bien [5]

« Je m'baladais sur l'avenue le cœur ouvert à l'inconnu. J'avais envie de dire bonjour à n'importe qui… », Depuis quelques jours la rengaine de Joe Dassin me poursuit. Nostalgie d’une Europe lointaine, ou réelle envie de changer un peu le genre musical du coin ? Rien à voir avec Paris, ses clichés et ses Doisneau. Ici mes enfants se déchirent le fond des pantalons sur les toboggans du Parque Otto Cotal et atterrissent de ce qui reste de la balançoire sur  une aire poussiéreuse, pas de petits cafés, les glaces sortent du frigo box a roulette du vendeur, qui le pousse et tintinnabule les clochettes au même rythme que se perdent les maillons de la chaîne du froid. Nos champs Élysée aboutissent immanquablement à la cathédrale San Juan, et son cortège de cireurs de chaussures. Si je n’ai pas forcément envie de dire bonjour à n’importe qui, et ils sont assez nombreux, je m’amuse à ouvrir les yeux, à défaut du cœur, à cette portion du Nicaragua que j’essaie de mieux connaître.
Mon n’importe qui, c’est le Nicaraguayen, celui que j’ai du apprendre à connaître, celui qui m’apprend une nouvelle manière d’appréhender la vie, celui qui a pu et peut toujours me choquer. En soit, rien de bien transcendant, mais j’ai du me faire au borborygme d’un bruyant raclement de gorge - et l’expulsion glaireuse qui s’ensuit - ponctuant une conversation. J’ai appris que si chez soi on ne se balade pas en caleçon devant son employée de maison, rien n’empêche un homme et une femme de converser sur le trottoir, chacun enroulé dans son linge de bain. Le n’importe qui c’est le gars qui déambule dans la rue, se tenant consciencieusement sa proéminence virile et se choque de voir deux hommes se donner l’accolade.  
L’inconnu c’est celui avec qui on entame une conversation et c’est aussi celui qui y prend part sans être convié. Les n’importe qui se sont ces dames qui voyagent dans le même taxi que moi et mes enfants, qui me disent de but en blanc à quel point mes enfants sont beaux et combien elles rêvent d’avoir des enfants métissés.
Les inconnus, ce sont ces hommes et ces femmes jetant sans y penser (je l’espère du moins) leurs emballages plastiques au pied d’une affiche écologique, tout en fustigeant leurs compatriotes de manquer de respect à la Terre Mère. L’inconnu n’a pas peur des contradictions, mais n’importe qui peut les partager…
L’inconnu c’est moi qui, dans un pays ou n’importe qui peut vous décliner les innombrables  chiffres de sa cédule identitaire, est incapable de mémoriser le numéro de mon passeport.
Ce n’importe qui, surtout, c’est ce chauffeur de taxi inconnu, qui me prend en charge et s’arrête courtoisement un peu plus loin pour offrir le reste du trajet à mon épouse, que lui avait reconnue.