Corine, Olivier, Viviane, Thalia, Noé et Malika
coopérants au Nicaragua avec E-Changer

29 juin 2011

(O) Le Nicaragua nous va si bien [7]

Ici au Nicaragua les maisons n’ont pas de numéro. En général on utilise un lieu connu pour définir une adresse. Pour trouver le domicile de Leonel, l’administrateur du Club Infantil, il faut aller « del puente Centroamerica, una cuadra arriba » soit, en français : du pont Centroamerica, un quartier en haut. Plus précis tu meurs !
Ayant besoin du pick-up du Club pour nous rendre lundi matin à Yalí, Corine et moi, pour y donner un cours, je vais, tout bon Suisse que je reste, demander la clé du véhicule le vendredi précédent. Leonel me répond qu’il laissera les clés au gardien du Club car il doit aller à Managua le dimanche.
Lundi matin, 6h30, nous débarquons au Club, réclamant lesdites clés au gardien de service, qui m’apprend qu’elles n’y sont pas. Quelques coups de fils rageurs et sans succès et coups de gueule évacuateurs de tensions plus tard, je me renseigne auprès du pauvre gardien dans le but d’aller réveiller le fauteur et, pourquoi pas, lui remonter les bretelles qu’il ne porte de toute façon pas.
J’arrête un taxi - tiens, celui-ci ne me demande pas les règles grammaticales de la langue suisse - et je me fais déposer approximativement au domicile du coupable. Fort heureusement, une charmante dame m’indique tout approximativement l’adresse de Leonel vers laquelle je fonce tête baissée. Après plusieurs coups colériques à la porte, appelant Leonel d’une voix hargneuse, j’entends finalement s’ouvrir le loquet et, une autre charmante dame aux yeux embués de sommeil de m’expliquer que Leonel ne vit pas là, qu’elle ne connaît que quelqu’un travaillant au Club Infantil à l’autre quartier, à la cinquième ou sixième maison… 
Si je parviens courtoisement à prononcer quelques paroles d’excuses, ma colère contre mon gaillard augmente. Si en plus d’oublier de rendre les clés, il a l’outrecuidance de ne pas habiter là où je voudrais qu’il se trouve, il y a de quoi penser à de la provocation pure et simple ! Bon, sur les dernières indications, je me dirige vers ma nouvelle destination, toujours prêt à tout renverser sur mon passage. Lorsque je me trouve devant le supposé repaire du ci-nommé, je recommence l’opération coups à la porte et appels nerveux. Un gars à moitié habillé me répond timidement que je dois m’être trompé mais qu’il va se renseigner. Il revient quelques instants plus tard en me disant que non, il n’y a pas de Leonel dans cette rue… Merci, pardon, au revoir, et me voilà devant la porte suivante avec, quand même, l’idée d’un peu plus de douceur dans mon frapper et dans ma voix. Bien m’en a pris, car ma quête auprès des quatre maisons suivantes fut toutes aussi infructueuses.
Je croise finalement un chauffeur de taxi de ma connaissance qui, par pitié ou pour la sérénité du quartier, me redirige à ma première adresse. Et vers ma première charmante dame qui, entretemps, s’est renseignée et, me prenant par la main, me conduit à la bonne porte.
Et là, dans un paroxysme de colère enveloppé d’un tout petit doute, je toque fermement à la porte, tout en appelant rageusement mon Leonel. Et Leonel apparaît. Ou plus exactement, j’aperçois une clé dans l’entrebâillement de la porte et j’entends, dans un borborygme, un approximatif « p…me, se me olvidó ! (*!&<+∑@§!!!…, j’ai oublié !)». C’est à cet instant que ma colère tombe : je suis en retard, Leonel m’a fait rire, j’ai perdu toute envie de lui botter les fesses et j’ai réveillé tout le quartier !

(V) Poèmes de Viviane [2]

Le nombre de chaussures

J’ai des chaussures par milliers
A  chaque heure
Je reçois des chaussures
Je vais les compter
Aller, on y  va
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8,…. 35
J’en ai mille
Mille paires de chaussures
Vous avez vu ?


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Je m’en vais à l’école

Avec cahiers sous le bras
Et sac sur le dos
Je m’en vais à l’école
Avec crayons et gommes
Les devoirs en même temps
Je m’en vais à l’école
Avec uniforme et affaires
Je m’en vais à l’école
Dire bonjour à la maîtresse
Et ensuite étudier
Je m’en vais à l’école
A la récré
Jouer avec mes amis
Je m’en vais à l’école
Je m’en vais à l’école
Je m’en vais à l’école
J’adore ça
Aller à l’ECOLE

20 juin 2011

(C) De Jinotega à Vex

Ces temps-ci, je pense à vous tout le temps. A vous, oui, lecteurs assidus – ou pas – de notre blog, lecteurs pour une majorité francophones, et que, pour la plupart, nous allons retrouver cet  été en Suisse. Parce que ce n’est pas tout de vous informer sur ce qui se passe ici, de ce en quoi consiste notre travail et de nos sautes d’humeur. On va de toute façon vous le redire une fois là-bas, vous le montrer et vous le faire entendre… Non, si je pense tellement à  vous, c’est parce qu’en marge de mon travail, je prépare depuis quelques semaines déjà tout un matériel d’images, de sons et de video, à traduire en français bien sûr parce que, d’ici là, il y a peu de chance que vous appreniez suffisamment d’espagnol pour suivre. Pour tout dire, je vous mâche le travail.
Alors pour tous ceux et celles qui n’auraient pas lu la dernière Mariposa de Jinotega, voici quelques infos que nous espérons utiles :
Arrivée et départ : 22 juillet au 21 septembre 2011
Lieu de villégiature : Vex (VS)
Conférences publiques :
- 24 ou 25 ou 26 août à Sion (à définir)
- 2 septembre à Charmey
- 3 septembre à Grandvillard
...et plus si affinités, n’hésitez pas à nous en proposer.
2 septembre à Cerniat : rencontre avec les élèves de la classe de Nicolas Biland
10 septembre : journée des donateurs à Vérossaz (VS)
17-18 septembre : participation au module de formation d’E-Changer « renforcement institutionnel »
A côté de tout ça, il y aura vos visites. Oui, parce que nous, on aura déjà fait 10'000 kilomètres, alors on espère que vous serez mobiles… !? Non ? Bon d’accord, on viendra ! Mais seulement si vous insistez.
Reste qu’il y a pas mal de boulot d’ici là… et seulement 4 semaines.
Alors A+. On se réjouit.

(C) Aura

Ce matin, déjà plongés dans notre ordinateur respectif, un « Holà  Mamá, holà Papá ! », nous fait lever la tête. Ça, c’est le bonjour dont nous avons droit 2 à 3 fois par semaine, de la part de notre rayon de soleil, Aura. La plaisanterie date du jour où, parlant de ses yeux un peu bridés, une collègue de travail lui a dit qu’elle pourrait très bien passer pour notre fille. Surfant sur la plaisanterie, je lui rétorque, après une embrassade des plus chaleureuses : « Tu sais que tu as beaucoup de chance, parce que tes « sœurs » ne pourront pas, de l’avis de votre père, sortir comme ça le soir, à 21 ans ! » (elle vit avec sa mère à Jinotega). Et elle de me rétorquer sans perdre un instant son éclatant sourire : « T’inquiète pas, j’ai appris à faire attention. Je ne sors jamais la nuit tombée. On aura essayé une seule fois de m’assassiner, pas deux ! ». Interloqués, nous lui demandons pourquoi. Et toujours aussi légère, habitée par une irrésistible rage de vivre, elle nous raconte.
« Tu vois cette cicatrice (20 cm en travers de son cou que nous avions pris pour une brûlure, fréquente chez les filles d’ici), celle-là (qui couvre son épaule), et celle-ci  (dans le prolongement de son œil), et celle-là aussi (qui part de la base de ses doigts jusqu’autour du poignet) ? Eh bien, le jour de mes 15 ans, un homme m’a agressé en plein jour, m’a lardée de coups de couteau et m’a laissée pour morte dans un cafetal (champ de café) tout proche d’où nous habitions avec ma famille. Mais Dieu avait décidé que je ne devais pas mourir. J’ai mis un an à me remettre, la jugulaire tranchée, la main gauche inerte, et l’estomac hypertrophié. Mais je m’en suis sortie. Il y a 2 ans et demi, la reconstruction d’une partie interne de ma gorge s’est infectée. On m’a transférée à León dans le meilleur hôpital de la région, avec les meilleurs médecins. Ils on ajouté une prothèse supplémentaire et m’ont donné 6 mois d’espérance de vie, dans le meilleur des cas… » Et elle éclate d’un rire cristallin, de ceux qui vous réconcilient avec la vie dans les plus mauvais jours. Et puis elle se lève, nous salue précipitamment. Elle est en retard. Mais elle prend encore le temps de se retourner sur nos expressions ahuries pour nous lancer : « Hé, ne faites pas cette tête-là, je suis toujours là ! Et puis, il ne m’a pas violée. » Et elle part en riant, Aura.

Voici l'autobiographie de Aura telle qu'elle l'a écrite lors d'un atelier sur l'identité. La traduction française suit le texte espagnol:

Soy Aura Herrera, naci el 29 de agosto de 1989 en una pequeña ciudad llamada Jinotega. Crecí con una familia muy humilde, pero con mucho amor. Estudios realizados : primaria, secundaria, técnico al INATEC y actualment a la universidad UPONIC.
Despuès de mi bachiller, trabajé como dependienta en el mercado, luego trabajé de ayudanta en un salón de belleza, post ayudava a una señora en su casa. En el año 2008 realizaba sustitutiones como profesora interina en el Villa la Cruz e INACS. En este año, me doy cuenta que en el Club buscan facilidadora e immediatamente llevo mi curriculum, pero aun no mi llamaron. En el 2009 me llaman y  me contratan como promotora de Alfa II. Trabajo 2 años y luego me dicen que voy a trabajar con el proyecto Enterate! Bueno y gracias a Dios me siento muy bien tranbajando aqui y quiero seguir adelante  con Tuktan Sirpi...

Je m'appelle Aura Herrera, je suis née le 29 août 1989 dans la petite ville de Jinotega. J'ai grandi dans une famille très humble, mais avec beaucoup d'amour. Etudes réalisées: primaire, secondaires, bac technique à  l'INATEC et actuellement à l'université UPONIC.
Après mon bac, j'ai travaillé comme indépendante au marché municipal, ensuite comme aide dans un salon de beauté, et enfin comme aide d'une dame dans sa maison. En 2008, j'ai effectué quelques travaux de substitution comme professeure interrimaire à Villa la Cruz et à l'INACS. Cette année-là, je me suis rendue compte qu'au Club, ils cherchaient des éducateurs. J'ai immédiatement déposé mon CV, mais ils ne m'ont pas appelée. En 2009, ils m'ont appelée pour m'engager comme promotrice Alfa II (visites dans les quartiers et dans les familles). J'y ai travaillé 2 ans, et ensuite ils m'ont transférée sur le projet Enterate!. Bon, grâce à Dieu, je me sens bien de travailler  ici, et j'aimerais continuer avec Tuktan Sirpi...

11 juin 2011

(C) Encuentro regional des coopérants suisses et de leurs contrapartes

Dans le sud de Managua, un peu en dehors de la ville, s’est déroulée la rencontre annuelle des coopérants suisses et de leurs partenaires du Nicaragua, Costa Rica, Honduras et Salvador. 3 jours pour se rencontrer, échanger des expériences professionnelles, mais aussi personnelles pour ceux qui débarquent, ceux qui sont déjà là depuis quelques temps et ceux qui s’en vont ces prochaines semaines.
Cette année, le programme a été concocté par un comité d’organisation constitué de coopérants et de partenaires locaux, l’équipe de coordination suisse de Managua se concentrant sur l’aspect logistique. Les coopérants impliqués étaient Sandra, Christophe et Nathalie, coopérants suisses-allemands à la Cuculmeca de Jinotega, Giuseppe, tessinois de Matagalpa, et vos serviteurs accompagnés de Sergio.
Credit A.Kurzen
La rencontre s’est ouverte sur la présentation de l’état de la coopération suisse en Amérique Centrale (du Panama au Honduras) par Peter Bishof, consul suisse à Managua et chef de la COSUDE.
Christophe nous a ensuite organisé un Mercado de Servicios (marché de services) durant lequel chaque organisation présente, mais aussi chaque coopérant, pouvait « vendre » ses services, sous forme de compétences, produits agricoles ou artisanaux. Un lieu de découvertes, d’échanges et de projets riche et efficace.
Credit A.Kurzen
Guiseppe et Sandra se sont occupés de la partie  politique de cette rencontre, invitant les trois partis les plus importants se présentant cette année aux élections présidentielles nicaraguayenne, à proposer leur programme et à répondre à un certain nombre de questions du public présent. Malheureusement inévitablement convenu, affreusement ennuyeux au vu de la performance désespérante des représentants présents. L’idée avait été pourtant bien pensée, bien préparée et l’intention des plus prometteuses. Mais nous ne sommes pas en Europe, le débat politique en « live » n’est pas dans les mœurs, et l’exercice fut difficile, malgré la présence d’une modératrice qualifiée. A un niveau plus général, il était intéressant de voir les différentes stratégies de communication des partis en présences : du discours chiffré, soporifique à mourir, à la harangue démagogique qui commence par un applaudissement pour les coopérants présents (quel rapport, je vous le demande ?), jusqu’au parti qui s’est distancé du parti majoritaire, mais qui tente encore de trouver sa ligne et peine donc à être cohérent. Reste que cette expérience était finalement à l’image de ce qu’on peut observer dans la campagne électorale qui bat son plein actuellement.
Sandra, en marge de cette partie très formelle, nous régalés d’un cours d’aérobic ma foi bien dynamique, et d’un autre de yoga tonifiant, à 7h00 du matin après une soirée pourtant arrosée ! Très pro !
La femme-serpent
Crédit M. Pavlon
La soupe au lait de Kappel
Crédit M. Pavlon
Sempach
Crédit M. Pavlon
Et last but not least, vos serviteurs et Nathalie et Sergio, étaient en charge de la partie « intercambio personal » (échange  personnels), qu’on a interprété comme « on va jouer ». Outre la dinamica de présentation imaginée par Sergio, et celle d’évaluation proposée par Nathalie, il fallait trouver une idée amusante et fédératrice pour l’après-midi et la soirée du mercredi. Les quadragénaires que nous sommes se sont souvenus de leur enfance, et de nos inénarrables jeux sans frontières ! Les quelques mégatonnes d’eau que représente l’Atlantique n’étant pas suffisantes pour nous faire peur, notre « De Guillaume Tell au Mombacho » a réuni les légendes centroaméricaines et nos plus dithyrambiques pages d’histoire suisse (Sempach, Morgarten, Morat, Kappel et notre incontournable héro national) sous le même ciel, mélangeant dans les groupes de participants, les nationalités, les âges et les affinités. Au final, c’est rompu mais hilare que tout ce petit monde s’est dirigé vers un barbecue « participatif », pour l’annonce du palmarès et faire un sort aux 2 piñatas à l’intention des jubilaires présents, dont Viviane qui fêtait ses 9 ans. Et puis, c’est Sergio, toujours lui, qui a animé la soirée en alternant musique et karaoké, la Toña et la Victoria - toujours démocratiques - coulant à flots.
Belle édition, A l’année prochaine !
Credit A.Kurzen