J’ai
bien trouvé bizarre, au début qu’on m’appelle Don Olivier alors que je n’étais
même pas propriétaire d’un seul centimètre d’hacienda. A travers ces
interpellations respectueuses, je m’imaginais en don Diego de la Vega se
transformant en Zorro justicier ou en vieux franciscain brandissant le crucifix
et la machette dans une mission au Mexique.
Au
début, j’ai trouvé dénigrant la manière de traiter les gens en fonctions de
leurs attributs physiques, autrement dit : le Chele (peau-blanche), el
Gordo (le Gros), la Gordita (la Boulotte) et dans mon cas el Chino ou Chinito
(le chinois). Plus tard j’ai appris, bien que les termes puissent nous effrayer
nous autres, obstacles à toute dérive discriminatoire, qu’ici, ces
qualificatifs ont une connotation plutôt affective.
Relater
l’inutilité de mes efforts pour défendre ma suissitude me prendrait un temps
que je n’ai nulle envie de consacrer, mais je veux bien relater cette anecdote
qui vous prouve à quel point j’ai fait un gros effort d’adaptation :
Olivier Lee |
Moi : Comment tu m’as
appelé ?
Lui : Non, euh oui, mais c’était
pour saluer.
Moi : Je ne suis pas chino, je
suis suisse.
Lui : Ah, mais on dirait que vous
êtes chino
Moi : Bon, c’est possible mais
dis-moi, tu as des parents ?
Lui : Oui, les deux.
Moi : Penses-tu que tes parents
t’ont donné une bonne éducation ?
Lui : Oui, bien sûr.
Moi : Penses-tu qu’ils t’ont
appris à respecter les vieux comme moi?
Lui : Vous n’êtes pas vieux.
Moi : Merci, mais je le suis quand
même bien plus que toi.
Lui : Oui.
Moi : Alors, ne m’appelle plus chino !
Lui : D’accord.
Moi :
Appelle-moi : Don Chino !
Ecrabouillé
le gars ! Rien pu dire le gugusse ! Trop balaise l’espèce de rambo
chinois ! D’une pichenette je l’ai scié au bas des rotules ! Et j’ai
tourné les talons. Depuis, ce charmant jeune homme me salue poliment les
quelques fois que l’on se rencontre. De mon côté, par contre, je me suis fait à
la respectabilité qui accompagne ma quarantaine flamboyante.
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