Corine, Olivier, Viviane, Thalia, Noé et Malika
coopérants au Nicaragua avec E-Changer

17 février 2013

(O) Don Chino

Trois ans se sont écoulés depuis que nous avons atterris au Nicaragua, nous ne connaissions pas un traître mot de l’espagnol et nous avons finalement appris à parler le Nicagnol. Nous n’avions que peu d’idées de cette culture centroaméricaine, nous avons essayé de nous y intégrer.
J’ai bien trouvé bizarre, au début qu’on m’appelle Don Olivier alors que je n’étais même pas propriétaire d’un seul centimètre d’hacienda. A travers ces interpellations respectueuses, je m’imaginais en don Diego de la Vega se transformant en Zorro justicier ou en vieux franciscain brandissant le crucifix et la machette dans une mission au Mexique. 
Au début, j’ai trouvé dénigrant la manière de traiter les gens en fonctions de leurs attributs physiques, autrement dit : le Chele (peau-blanche), el Gordo (le Gros), la Gordita (la Boulotte) et dans mon cas el Chino ou Chinito (le chinois). Plus tard j’ai appris, bien que les termes puissent nous effrayer nous autres, obstacles à toute dérive discriminatoire, qu’ici, ces qualificatifs ont une connotation plutôt affective.
Relater l’inutilité de mes efforts pour défendre ma suissitude me prendrait un temps que je n’ai nulle envie de consacrer, mais je veux bien relater cette anecdote qui vous prouve à quel point j’ai fait un gros effort d’adaptation :

Olivier Lee
Je me baladais, une fois n’est pas coutume, dans un quartier populaire de Jinotega, lorsque je fus interpelé par un groupe d’adolescents en uniformes scolaires cigarettes à la bouche et mines patibulaires de ces jeunes gars prêts à défier le monde. Comme d’habitude, j’esquissais un salut poli, quand l’un d’eux m’interpela de cette manière provocatrice propre aux gens qui s’assurent de l’appui d’un groupe avant de se mettre en avant (tiens ça rappelle ma jeunesse). Donc, je disais que ce charmant jeune homme me héla en me traitant de chinois, jusque là ça ne me dérange pas trop. Mais quelque chose dans son attitude m’a obligé à détourner mes pas pour me diriger vers le groupe et plus exactement à focaliser mon regard de Bruce-Lee-tueur-de-pizzaiolos-maffieux sur le jeune en question. A ma grande fierté, ça a marché ! Mais, mes biceps de mésange ne me permettant pas une hécatombe et, sans l’artillerie lourde de Charles Bronson en justicier dans la ville,  j’ai bien du, une fois la machine lancée, me jeter à l’eau. Et c’est avec ce dialogue, que Jackie Chan m’envierait, que je m’en suis sorti, sans effusion de sang ni côte cassée :

Moi : Comment tu m’as appelé ?
Lui : Non, euh oui, mais c’était pour saluer.
Moi : Je ne suis pas chino, je suis suisse.
Lui : Ah, mais on dirait que vous êtes chino
Moi : Bon, c’est possible mais dis-moi, tu as des parents ?
Lui : Oui, les deux.
Moi : Penses-tu que tes parents t’ont donné une bonne éducation ?              
Lui : Oui, bien sûr.
Moi : Penses-tu qu’ils t’ont appris à respecter les vieux comme moi?
Lui : Vous n’êtes pas vieux.
Moi : Merci, mais je le suis quand même bien plus que toi.
Lui : Oui.
Moi : Alors, ne m’appelle plus chino !
Lui : D’accord.
Moi : Appelle-moi : Don Chino !

Ecrabouillé le gars ! Rien pu dire le gugusse ! Trop balaise l’espèce de rambo chinois ! D’une pichenette je l’ai scié au bas des rotules ! Et j’ai tourné les talons. Depuis, ce charmant jeune homme me salue poliment les quelques fois que l’on se rencontre. De mon côté, par contre, je me suis fait à la respectabilité qui accompagne ma quarantaine flamboyante.
Don Olivier vous salue !

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