Corine, Olivier, Viviane, Thalia, Noé et Malika
coopérants au Nicaragua avec E-Changer

16 avril 2013

(C) Chavez, l'ALBA, Maduro et le Club

Cela n'a pas fait la Une des journaux. Sûr qu'avec les attentats de Boston, la publication du programme 2013 du Paléo et la crise qui n'en finit pas de secouer l'Europe, la succession de Hugo Chavez par son dauphin désigné à la tête du Vénézuela est passée inaperçue.
Et pourtant, ici au Nicaragua, on l'attendait ce résultat des élections du 14 avril! Pourquoi? Et bien parce que si Ortega et Chavez étaient copains et malgré ce qu'on peut en dire, l'action sociale nicaraguayenne dépend bien plus de l'ALBA que du FMI. Ça vous semble du chinois? Non, c'est du bolivarien...
Je reprends: Hugo Chavez, président charismatique, et accessoirement franchement gauchisant, du Vénézuela est mort il y a quelques semaines. Chavez, c'était un leader qui ne s'en laissait pas compter, qui a convaincu des millions de vénézueliens qu'il était possible de s'en sortir sans s'aplatir devant les multi-nationales et les pays riches et qui a créé l'ALBA - l'Aliance Bolivarienne pour les Amériques - avec le Nicaragua (bien sûr, sinon on vous n'en parlerait pas...), Cuba, l'Equateur, la Bolivie et, dans une moindre mesure, le Brésil. Et késako? Eh bien, pour faire court, c'est un marché parallèle... aux grands marchés dirigés par les USA et l'Europe. Et ça va bien au-delà des échanges sur le pétrole (hé oui, y'en a au Vénézuela), ça concerne de nombreuses matières premières, services et autres associations qui concernent les pays membres, plantant, il faut le dire, un clou dans le pied des marchés internationaux, et évitant à ces membres de s'embourber plus encore dans sa dette au Fond Monétaire International (FMI).
Seulement voilà, Chavez est mort. Et Chavez tenait de main de maître les ficelles de l'ALBA.
Alors lorsque Nicolas Maduro, successeur désigné par Chavez lui-même avant sa mort, a été élu dimanche dernier, un soulagement non négligeable s'est fait sentir ici.
Seulement voilà...
 
Dix jours avant le scrutin, Lydia Palacios Chiong, coordinatrice exécutive de l'Asociación Infantil Tuktan Sirpi, le Club quoi, me faisait part dans une interview informelle de son inquiétude:
 
Moi : C'est quoi l'ALBA?
Lydia: C'est une somme d'échanges commerciaux entre pays membres. Un marché.
 
Moi: Et en quoi c'est si important pour le Nicaragua?
Lydia: Etre membre de l'ALBA a changé beaucoup de choses pour les paysans nicaraguayens, au niveau des impôts nationaux d'abord, et aussi dans les choix d'une agriculture moins transgénique. De plus, pour eux, c'est l'opportunité d'écouler leurs produits sans la concurrence des grands marchés et des spéculations sur les prix. Pour résumer, c'est la possibilité de produire "propre" et de vraiment participer au développement des gens d'ici. Ici, à Jinotega on sait par exemple qu'une grande partie du financement du projet "Calles y casas para el Pueblo" (Des rues et des maison pour le peuple) vient de l'ALBA. Jusqu'en 2007, Jinotega était très isolée. Aujourd'hui, avec la nouvelle route, nous ne sommes plus qu'à 3 heures de Managua; pour le commerce - Jinotega est un département agricole - c'est très important.
 
Moi: Entre Hugo Chavez et Daniel Ortega, ça se passait comment?
Lydia: Chaves n'a jamais caché son admiration pour le sandinisme et les révolutionnaires de 1979. Cela l'a motivé dans son engagement. De plus, et contrairement à ce qu'on croit (et moi la première pendant longtemps), Chavez avait une admiration particulière pour Daniel Ortega. Il l'a réaffirmé lors de l'une de ses visites sur la Plaza de la Revolución à Managua: alors qu'il était lui.même en prison, l'image d'Ortega était sans cesse présente.
 
Moi: Comment perçois-tu la mort de Chavez pour le Nicaragua?
Lydia: Surtout comme une menace. Ça a surtout a voir avec la personne de Chavez, son charisme. Le "chavisme". Cela dit, il a demandé avant sa mort à la population vénézuelienne de soutenir Maduro. Il y a donc un compromis moral. Mais ça peut évoluer différemment qu'il l'avait prévu avec la pression internationale. On verra le 14 avril.
 
Moi: Lorsque tu as appris la mort de Chavez, qu'as-tu ressenti?
Lydia: Une grande tristesse. Comme si un membre de ma famille était mort. C'est une figure de lutte pour un idéal. Il a lutté bien, mal, mais toujours pour les pauvres. Il a lutté contre les grands pouvoirs économiques, mais son idée était d'unifier l'Amérique. C'est plus qu'un personnage qu'on a perdu, c'est une figue, un leader, un charisme pour une cause. Je ne peux pas en oublier le lien avec mon propre combat.
 
Nicolas Maduro a été élu par la population vénézuellienne le 14 avril dernier. Il a réaffirmé son intention de marcher dans les traces de son prédécesseur. Mais déjà Henrique Capriles, le candidat malheureux de ces élections, crie à la fraude et exige un recomptage des voix. Des violences ont déjà éclaté dans le pays, faisant plusieurs morts. Il règne au Vénézuela une ambiance de coup d'état et d'émeutes et on ne sait pas à qui cela profitera.
A suivre.